2 Février 2013
Ceci peut vous surprendre
Un couple divorce après 29 années de mariage. L'épouse n'obtient pas de prestation compensatoire malgré la différence importante de revenus entre elle et son mari, sous prétexte qu'elle préexistait au mariage. Elle saisit la Cour de cassation.
Ce que dit la loi
L'article 270 du code civil énonce qu'en cas de divorce, le juge peut mettre à la charge d'un époux le paiement d'une prestation compensatoire au profit de l'autre. Cette prestation est versée en principe sous forme de capital.
L'article 271 du code civil précise qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
L'interprétation des juges
Le juge aux affaires familiales qui avait prononcé le divorce avait condamné le mari au paiement d'une prestation compensatoire de 75 000 €. Mais en appel, les juges ont annulé cette décision et décidé que l'épouse ne percevrait aucune prestation compensatoire. Ils avaient jugé que « si l'époux était cadre de direction dans une société de dimension internationale, tandis que son épouse n'avait jamais exercé que des emplois subalternes, la différence de rémunération entre eux existait avant le mariage et ne résultait que de leur appartenance à des catégories socioprofessionnelles différentes ». Ils en concluaient que l'inégalité dans les conditions de vie respectives des époux après le divorce ne résultait nullement de la rupture du mariage, la vie commune ayant simplement permis à l'épouse de n'en plus ressentir les effets tant que les conjoints demeuraient ensemble. La Cour de cassation n'est pas de cet avis ; elle casse cette décision. La Cour suprême considère que la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil, et que le fait que la différence de revenus existait avant le mariage n'a pas d'importance.
Analyse
Quand des conjoints divorcent, une prestation compensatoire peut être octroyée. Elle est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Pour en déterminer le montant, le juge prend notamment en compte: la durée du mariage; l'âge et l'état de santé des époux ; leur qualification et leur situation professionnelles; les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune, pour l'éducation des enfants, et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne; le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial; leurs droits existants et prévisibles;leur situation respective en matière de pensions de retraite.
À cet égard, la décision de la Cour de cassation va dans le même sens qu'une décision rendue par la cour d'appel de Paris, peu de temps avant. Celle-ci avait jugé, pour accorder une prestation compensatoire à une femme professeur des écoles mariée à un cadre, que si la prestation << n'était pas destinée à égaliser les fortunes, elle doit permettre de pallier l'importance du déséquilibre des situations économiques respectives des époux » [CA de Paris du 23.9.10, n'09/01961). I
l semble donc qu'un revirement de jurisprudence se soit opéré sur cette question, les décisions précédentes considérant, au contraire, que la disparité qui résulte d'une différence de qualification et de salaire existant avant le mariage n'a pas à être compensée car elle ne résulte pas de choix opérés en commun par les époux dans l'intérêt de la famille
(CA de Lyon du 25.11.2010, n'09/02224; cass. civ. f du 9.12.2009, n'08-16180; CA de Lyon du 124.2010, n'08/0865).
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